Télétravail, co-working, tiers-lieux : quand le bureau devient nomade lui aussi…
En attendant la fin du travail, comme certains le président, de nombreuses entreprises traditionnelles ont d’ores et déjà compris tout l’intérêt des modes de travail alternatifs.
Le télétravail s’est fortement développé. Il y a le télétravail un peu subi, celui dont on se passerait bien quand il s’agit de ramener des dossiers à boucler le week-end pour le lundi matin… Il y a aussi le télétravail organisé et quantifié. Plus de perte de temps dans les transports et une gestion du temps plus autonomisée pour le collaborateur, un gain d’espace et de matériel pour l’employeur : autant de facteurs qui, tout le démontre, améliore la productivité. Une étude d’Alma Consulting de 2013 sur l’absentéisme montre que le télétravail le diminue de moitié. Forcément, pourrait-on dire…
Le phénomène commence à prendre vraiment de l’ampleur en France. Pour Baptiste Broughton, directeur associé de LBMG Worklabs, spécialisé dans le télétravail et les lieux de travail alternatifs, « ce n’est pas une mode mais une réelle tendance : l’entreprise se dématérialise et le collaborateur se nomadise ». LBMG Worklabs est le co-organisateur d’un « Tour de France du télétravail » Cette manifestation annuelle, qui se déplace dans toute l’Hexagone, est une véritable boîte à outils pour les entreprises qui souhaitent le développer.
Des groupes comme Alcatel-Lucent France, SGS, France Télécom – Orange, Renault, Axa, Hama France, Air France, Wolters Kluwer France, Microsoft, Intel France, Michelin, Bayer France, Accenture France, Atos Origin et des PME comme Easycare, Sneda, Wikio, Oodrive se sont tournés vers le télétravail, allant même jusqu’à signer des accords d’entreprise avec les syndicats ! (source : jeteletravaille.fr)
Ces derniers y sont de moins en moins hostiles, à condition bien sûr que ce télétravail soit bien encadré, qu’il soit choisi et non subi, et qu’il n’empiète pas sur la vie personnelle. On ne peut écarter en effet d’un revers de main les dérives que pourrait entraîner cette forme de travail, sans garde-fous.
A côté du télétravail que les entreprises mettent en place avec certains de leurs salariés, il existe également de nombreux travailleurs indépendants. Les métiers artistiques, les arts graphiques, les médias, l’artisanat, etc. fonctionnent avec beaucoup d’indépendants ou de free-lance. L’autoentrepreunariat, ce remède de moindre mal au chômage, à fortement contribué à faciliter l’établissement de ce type d’entreprise qui se limite à soi, et personne d’autre ! Elles peuvent être de belles réussites et, dans ce cas, participent en plus fortement à la reconnaissance
personnelle de ce que l’on produit.
D’après Baptiste Broughton, « plus de 4 millions d’individus, soit 17 % de la population active travaille plus d’une fois par semaine, hors les murs de l’entreprise : au domicile ou dans des bureaux partagés ».
Mais le travail indépendant, et même parfois le télétravail peuvent aussi « abîmer » le lien social, ce nécessaire trait d’union entre soi et les autres, qui est aussi un facteur d’émulation. Sans regretter la machine à café du bureau à 10 heures, avec le récit du week-end le lundi (certains d’entre eux ne l’ont jamais connu, d’ailleurs !), les travailleurs indépendants peuvent se sentir un peu seuls, tout simplement. De cette envie de se retrouver avec d’autres, des créatifs le plus souvent, sont nés les espaces de coworking.
Pour Clément Alteresco, fondateur et directeur de bureauxapartager.com, : « La plupart bossent chez eux, ils sont un peu isolés et veulent retrouver une dynamique autour de leur travail. Il y a cette demande naturelle. Mais je le vois aussi chez des PME de 10 à 15 personnes qui trouvent plus sympa de partager des espaces avec d’autres boîtes. Il y a la partie coworking indépendant avec une logique de lien social et aussi de synergie business pour les petites boîtes. Ces dernières sont contentes de ne pas s’engager et d’avoir une dynamique avec d’autres start’ups et d’avoir une ambiance sympa avec un pluralisme d’activités. »
Le coworking, c’est aussi un espace de convivialité. L’entraide est réelle : on se conseille sur un projet existant, on peut aussi se dépanner lorsque le travail diminue, en associant un coworker que l’on connaît bien sur un projet.
L’avenir est donc au coworking ? Pas si simple car pour Clément Alteresco : « Les gens ont du mal à se détacher des modèles traditionnels. Pour les grands groupes, le mieux est d’investir dans des start’ups. Les espaces de coworking qu’ils créent sont un enjeu d’innovation. Ils externalisent leur direction d’innovation, de fait. C’est
une façon de créer des terrains d’innovation et d’opportunités qui ne sont pas construits et accessibles. » Les enjeux du coworking sont donc multiples et l’aspect laboratoire d’idées n’est pas le moindre de ses atouts…Tout comme les espaces de coworking, les autres « tiers-lieux » (FabLab, Hackerspaces, centres d’affaires, bureaux partagés, espaces publics wifi, cafés wifi, business lounge…) accueillent des profils bien divers. Sans les nouvelles technologies, les tiers-lieux n’existeraient pas. Ils sont directement issus de la culture du réseau, de l’informatique et du partage de savoirs.
En attendant, la Mutinerie est un belle success story à la française. Avec un nom un peu connoté libertaire, on pouvait s’attendre à ce que leur devise soit : « Libres ensemble », leur vision : « Faire ce que l’on veut faire avec des gens que l’on aime et gagner sa vie ainsi », et leur identité : « l’économie collaborative, la communauté, le
style de vie, le vivre ensemble, une micro société »… On vient à la Mutinerie pour quelques heures ou quelques jours. On fait partie du réseau des Mutins et on réserve en ligne son bureau.
Et bien sûr, pour les nomades baroudeurs, des services comme Copass mettent à votre disposition des lieux de travail à partager dans le monde entier. Finies les tristes heures passées à relire seul son article dans la chambre d’hôtel avec une connexion pas toujours très rapide et un miroir rempli de post-it… Ces tiers-lieux ont suscité l’intérêt de grandes collectivités locales qui y voient des lieux de socialisation, de citoyenneté en plus d’être des lieux de travail, un terreau fertile pour l’Economie sociale et solidaire. La Caisse des dépôts et consignation,
avec le soutien de la Région Ile-de-France a édité en janvier 2015 un guide complet à destination des collectivités locales sur les tiers-lieux. C’est bien que ces nouvelles formes d’organisation du travail n’impactent pas que le secteur privé, car elles permettent la rencontre d’individus et de projets à l’échelle locale. On peut dire que les tiers-lieux sont au monde du travail ce que l’Open source est à l’informatique !
Articles et Interviews
David Melki